Corporations et jurandes

A partir du XIIe siècle, les ouvriers et artisans de chaque profession s’organisèrent en corporations ou jurandes. Les ateliers, autrefois ruraux, s’installèrent dans les cités et les villes, parfois sous l’autorité du seigneur, mais aussi librement lorsque la ville bénéficiait de franchises.

Les artisans s’organisèrent alors en corporations strictement hiérarchisées, les « métiers ». Au sommet, les « maîtres », propriétaires de l’atelier, des outils et de la marchandise et détenteurs du savoir-faire indispensable pour appartenir à la corporation correspondante à la profession exercée.  Les « compagnons », ouvriers qualifiés venaient immédiatement après les patrons. S’ils ne disposaient pas des moyens nécessaires pour s’établir à leur propre compte, ils n’avaient aucun espoir de devenir maître à leur tour et restaient compagnons toute leur vie. Enfin, les « apprentis », jeunes garçons âgés de 10 à 15 ans, qui apprenaient les rudiments du métier auprès de leurs aînés.

Les maîtres s’entendaient pour protéger les ateliers de la concurrence des campagnes et des autres villes. On interdisait aux étrangers de pratiquer les mêmes professions, de façon à protéger les spécialités des artisans locaux.

Une « jurande » était élue à la tête de chaque métier, composée uniquement de  maîtres de cette profession.  Les règles de son fonctionnement ont été fixées par écrit au XIIIe siècle (par exemple dans les grandes villes drapières de Flandre) ; la jurande servait à la fois de tribunal professionnel pour trancher les litiges entre artisans du même métier, de caisse de secours mutuel pour ceux qui se trouvaient en difficulté et de bureau chargé de réglementer la profession. Mais les règles relatives à la journée de travail, les salaires, les « façons » (manières de confectionner les produits) devinrent vite rigides et contraignantes.

Les corporations se structurèrent très vite ; certaines avaient une sorte d’habit de travail devenu uniforme reconnaissable par tous. Dotées de bannières, d’outils spécifiques au métier, elles devinrent des puissances en elle-même, capables de s’opposer aux édiles municipaux sur certains points de police dans la ville. Les artisans du même métier se regroupaient dans le même quartier de la ville, sinon la même rue. Peu à peu, les métiers se hiérarchisèrent : on tenait les bouchers comme gens importants, de même que les drapiers, puis les orfèvres et autres changeurs, tandis que certains métiers étaient méprisés et considérés comme exercés par des « gens de peu ».