La comptabilité par échiquier

Au Moyen Âge, les comptables chargés de l’administration des finances royales ou d’une principauté territoriale ne disposaient pas d’instruments de calculs perfectionnés. Depuis l’Antiquité, on utilisait l’abaque (instrument de calcul à l’aide de cailloux ou de jetons ; l’abaque boulier est constitué d’un rectangle horizontal avec 10 colonnes verticales, sur lesquelles coulissent des boules, et une barre intermédiaire ; les unités sont placées en haut du cadre inférieur, les multiples de cinq en bas de la tige intermédiaire ; le nombre se lit donc au milieu du boulier ; chaque colonne peut représenter les nombres de 0 à 15 ; pour le report des retenues, on utilise les multiples de 5).

Lors de la création du duché de Normandie, en 911, le premier duc, Rollon (de son vrai nom Hrolf Gaaganger, ou « Rollon le piéton ») introduisit le système de comptabilité appelé « échiquier ». La table sur laquelle s’effectuent les comptes, un tapis échiqueté noir et blanc reçoit des jetons. Le roi Henri Ier Beauclerc (vers 1068-1135) transposa cette institution en Angleterre en 1100.

Pour faire les comptes, à chaque entrée de recettes, un commis énonce les sommes et un comptable dispose des jetons sur un tapis quadrillé, appelé pour cette raison, « échiquier ». Il est divisé en sept cases : de gauche à droite, une pour les dizaines de milliers de livres, une pour les milliers de livres, une pour les centaines de livres, une pour les vingtaines de livres, une pour les livres, une pour les sous et une pour les deniers.

Pour additionner, le comptable commence par la case de l’extrême droite, celle des deniers, où il jette jusqu’à 11 jetons ; arrivé à 12, il enlève les onze jetons (on dit qu’il « déjiste ») et les remplace par un seul jeton dans la case immédiatement à gauche, celle des sous. Et l’opération continue : lorsque la case des sous est remplie de 19 jetons, il les enlève et les remplace par un jeton unique dans la case des livres, juste à gauche de la précédente. Puis il « déjiste » 19 jetons symbolisant les livres pour passer au jeton de 20 livres dans la case des vingtaines et ainsi de suite avec la case des centaines de livres et, ensuite, celle des milliers de livres pour finir par celle des dizaines de milliers de livres. De telle sorte qu’à la fin de l’énoncé des recettes, il est facile, par le seul examen du tapis, de connaître le montant de la somme en caisse. Les multiplications sont traitées comme une suite d’additions. De même, les divisions ne sont qu’une suite de soustractions.