La liturgie, réformée lors du concile Latran II, en 1139, imposa la séparation des desservants et de l’assistance, lors des offices. Toutes les églises de la chrétienté se dotèrent alors d’une clôture, soit en bois, soit en pierres, en fonction des moyens financiers de chaque paroisse.

Dans quelques paroisses de la Chrétienté médiévale, les autorités ecclésiastiques jugèrent bon de profiter de l’installation de ces barrières pour les transformer en instrument de musique. Les chancels de pierre se prêtaient particulièrement bien à cet effet. Les colonnes supportant le linteau supérieur de la clôture pouvaient facilement être d’un diamètre variable. D’autre part, la longueur de la colonne (sa hauteur, pour être plus précis) pouvait également varier, si le sculpteur réalisait, à chaque bout de la colonne, un élément final, bloquant, destiné à réguler la longueur d’onde du son émis par la pierre, lorsqu’elle était heurtée par un instrument contondant.

Chaque colonne élément de la clôture permettait d’obtenir un son différent, une note différente, si un officiant la heurtait avec une baguette de bois. Les vibrations ainsi obtenues pouvaient être assimilées à une note de la gamme. Il suffisait ensuite de disposer ces colonnes à son variable dans un ordre tel qu’en les heurtant avec une baguette on obtenait une suite de notes variées, donc une mélodie, un air musical, par conséquent. Il devenait ainsi possible de réaliser un instrument capable de jouer un air liturgique, généralement un psaume, reconnaissable par tous les assistants.

Des églises dotées d’un tel « lithophone » sont connues dans toute l’Europe occidentale. Dans le département du Finistère, l’église Saint Salomon de La Martyre dispose d’un instrument presque intact. Quelques colonnes ont, malheureusement, disparu au fil des siècles. L’édifice, bâti au XVIe siècle, aurait reçu un don important de Jean de Kerguiziau, abbé de Daoulas, pour y installer un lithophone en pierre de Kersanton, afin de servir de chancel. La cathédrale Notre-Dame de Laon, édifiée de 1155 à 1235, possède une colonnette haute, en calcaire lutécien, qui n’est autre qu’un lithophone.

La décision prise par le Concile de Trente (1545-1563) de modifier la liturgie et de supprimer les chancels et autres jubés dans toutes les églises de la Chrétienté entraîna la disparition de plusieurs lithophones.  Seuls, quelques rares exemplaires subsistent et cette mesure représente une perte pour l’Humanité (Histoire de l’Art et Histoire de la Musique).