On ne saurait dater exactement les premiers mécanismes d’horlogerie. En 1120, Saint Bernard rédigea les « Usages de l’Ordre de Cîteaux » : chaque sacristain cistercien devait se doter d’une horloge, pour sonner les mâtines, preuve que de tels instruments existaient, rudimentaires, au début du XIIe siècle. Il s’agissait peut-être d’horloges à eau ; les mécanismes des moines pour réguler leur vie quotidienne étaient à l’initiative de chaque communauté. Des « horloges » étaient des flotteurs dans un réservoir d’eau : l’écoulement était calculé et un bras, fixé au flotteur, actionnait une sonnerie, lorsque le flotteur atteignait le niveau prédéfini. En 1176, on installa une horloge à poids actionnant une sonnerie, sans aiguilles ni cadran, à la cathédrale de Sens. Après chaque sonnerie, les bedeaux devaient remonter les poids. Dans le Saint empire romain germanique, une corporation « des horlogers » est attestée en 1183 à Cologne, sans certitude sur ces machines.
Selon une tradition (sans preuve), l’archidiacre de Vérone, Pacificus (803-844) aurait inventé l’horloge mécanique. Mais on l’attribuait au savant Gerbert d’Aurillac (le pape Sylvestre II, 999-1003), tradition aussi fantaisiste fondée sur un texte affirmant qu’il aurait construit une « horologium arte mechanica compositum », qui pouvait être à eau, un astrolabe ou tout autre mécanisme.
Grand progrès dans la mesure du temps au XIIe siècle, facilitée par l’invention et le développement de l’engrenage (la roue dentée permettant des rouages de plus en plus complexes), l’apparition des horloges fit connaître l’heure avec quelque précision. Les horloges mécaniques se diffusèrent largement à partir du XIVe siècle. La perception de l’avancée du jour (surtout de la nuit) fut bouleversée. Les savants n’étaient plus seuls à déterminer le moment de la journée et l’on se fiait à un moyen plus sûr que la seule observation de la position du soleil dans le ciel. La durée de l’heure devint fixe, car mesurée mécaniquement. Conséquence, ce fut l’horaire du lever et du coucher du soleil qui variait alors, selon les saisons.
En Italie, à Orvieto (en1307), Parme, Florence, Pise et bien d’autres, les municipalités se dotèrent de tours (dites beffrois), où d’ingénieux artisans installèrent des horloges, visibles de loin, car énormes et en hauteur. Le monde du travail fut bouleversé : on pouvait préciser la durée du labeur quotidien. A côté des horloges publiques des villes, les campagnes connurent, avec retard, l’arrivée progressive des horloges, installées dans les clochers des églises. Pas de construction à grands frais, en milieu rural, de nouvelle tour pour une horloge, la sonnerie suffisait à notifier aux travailleurs l’heure exacte.
A partir du XIVe siècle, dans les villes, les autorités ecclésiastiques (ou civiles) s’adressèrent à des savants astronomes et mathématiciens pour réaliser, avec des artisans horlogers, des horloges astronomiques complexes et de grande précision. Quelques-unes ont survécu : à Nuremberg, Tübingen (Hôtel de Ville), Stralsund, Prague ou encore Strasbourg (construite en 1838) et dans bien d’autres cités épiscopales comme Autun, Auxerre, Bourges (installée en 1424), Chartres et Lyon, ou sur des monuments civils : Hôtel de Ville d’Aix-en-Provence ou Rouen (le « vieil horloge »). Situées en façade des cathédrales, visibles de tous, elles pouvaient aussi se trouver à l’intérieur (à Strasbourg et Bourges), le mécanisme délicat devant être protégé des intempéries.
Puis les mécanismes se miniaturisèrent et les pendules plus modestes apparurent au XVIIe siècle, souvent placées sur une console, un meuble ou sur les cheminées. Dès cette date, mais surtout au XIXe, d’innombrables foyers eurent d’une horloge à balancier, souvent franc-comtoise. Un artisanat se développa dans le Haut Jura (Morez, Morbier) où on réalisait des horloges pour de nombreuses fermes françaises ou étrangères, avec deux mécanismes (un mouvement et une sonnerie), un cadran (en laiton ou en étain, puis en cuivre souvent émaillé), un fronton, un encadrement et un balancier (simple poids de plomb au bout d’un fil, puis plaque de métal ouvragée), décorés à la fantaisie de l’artisan ou du client. La région productrice en tira prospérité et renom. Ces meubles devinrent obsolètes par l’introduction massive de l’heure individuelle (montres de toutes sortes) dès le XXe siècle. On vit apparaître les montres, spécialités de certaines contrées (Suisse ou Franche-Comté) : au XIXe siècle, Besançon était « la capitale du Temps ». Initialement réservés aux longues heures d’inactivité hivernale, ces travaux de fabrication de montres devinrent une véritable industrie de précision, qui occupa des milliers d’ouvriers. Au XIXe siècle, la montre se portait dans le gousset, petite poche dans l’échancrure du gilet. Pendant la Grande Guerre, la nécessité de coordonner les attaques amena les états-majors à doter les hommes de montres bracelets. La paix revenue, l’habitude de porter une montre au poignet perdura.
De nos jours, une nouvelle génération de montres est apparue impliquant des techniques nouvelles La mesure du temps est devenue extrêmement précise : les sportifs mesurent leurs exploits avec des chronomètres au centième de seconde et les instruments électroniques mesurent des millièmes de seconde. Les mathématiciens et astronomes, soucieux de précision et d’exactitude, affirment qu’en réalité, le temps vrai varie. Cette évolution eut un impact sur la durée du travail et les horaires ; de nombreux salariés sont rémunérés à l’heure et non plus à la tâche accomplie.