Chaque année, les autorités ecclésiastiques établissaient le calendrier pour l’année suivante, voire même pour plusieurs années à venir. Ce calendrier permettait de fixer à l’avance la date des fêtes mobiles (Pâques, Ascension, Pentecôte, le Carême et toutes les autres déterminées par la Passion du Christ, comme les Rameaux). Il énonçait toutes les célébrations de l’année liturgique.
L’année liturgique débutait avec l’Avent. Tous les jours, les prêtres de l’ensemble des diocèses (et tous les moines et moniales des nombreux ordres monastiques) devaient respecter les instructions du calendrier. Ces célébrations et commémorations diverses reçurent toutes une appellation, de sorte qu’il existait une liste, fort longue, des fêtes chrétiennes.
En voici quelques exemples, parmi des centaines d’autres :
- « La Décollasse», fête de la décollation de Saint Jean, le 29 août – différente de la « Saint-Jean » elle-même, célébrée le 24 juin,
- « Lavationis dies», le Samedi Saint,
- « Le grand Mercredi», le mercredi de la semaine sainte.
La quasi-totalité de ces dénominations étaient en latin, ignoré de la plupart des ouailles. L’immense majorité de la population n’avait aucune notion de la date et de l’heure et s’en remettait aux ecclésiastiques. On partait en voyage « vers la Pentecôte » ou « aux environs de la Saint-Jean », ou encore on se rendait à la foire dans telle ville, « le deuxième dimanche après Pâques ». C’était ainsi que l’on désignait, dans le langage courant, les dates pour « préciser » tel ou tel événement. Beaucoup ignoraient même leur propre date de naissance et on ne connaissait son âge que très vaguement.
Parallèlement au calendrier ecclésiastique, dans le calendrier vernaculaire (ou populaire) chaque jour reçut une appellation spécifique et on attribua la journée à la célébration d’un saint, généralement le jour de son décès, de son martyre ou d’un exploit particulier accompli par lui (ou elle). Les dates fixées par l’usage ou une décision d’un pape durèrent jusqu’aux recommandations du concile Vatican II, (1962-1965), qui modifia sensiblement l’ordre établi, supprima quelques saints personnages et rectifia la nomenclature traditionnelle.
Progressivement, quelques fêtes de saints particulièrement importants devinrent des dates utilisées communément pour certaines activités ou certaines échéances comme le paiement des loyers ou la conclusion de contrat aux termes de la Saint-Rémi (15 janvier), puis à la Saint-Jean-Baptiste (24 juin), à la Saint-Michel (29 septembre) et à la Saint-Martin (11 novembre), qui était également considérée comme traditionnelle fête des soldats, ou encore la Saint-Honoré (16 mai), patron des boulangers, la Sainte-Barbe (patronne des artificiers, pompiers, artilleurs et mineurs, le 4 décembre), la Sainte-Geneviève (3 janvier), patronne des gens d’armes (devenus représentants de la force publique, soldats du guet, puis maréchaussée et enfin gendarmes), la Saint-Vincent (de Saragosse), patron des vignerons, le 22 juin, ou encore l’Assomption (15 août), toutes fêtes particulièrement importantes et connues de tous.
En pratique, chacun connaissait les noms des saints fêtés et souvent des dictons populaires étaient liés à ces dates connues de tous, notamment en matière de météorologie paysanne. Ainsi, l’on disait :
« à la Sainte-Catherine (25 novembre), tout bois prend racine »,
« à la Saint Urbain (19 mai) plus ne gèlent ni pain ni vin »,
« à la Chandeleur (2 février), l’hiver se meurt ou prend vigueur »,
« s’il pleut à la Saint-Médard (8 juin), il pleut quarante jours plus tard ».
Chaque corporation, chaque confrérie se choisissait un (ou une) saint patron que l’on fêtait à la date anniversaire, qui était jour de congé, pendant lequel les artisans du même corps de métier allaient en procession, bannières au vent, de lieu de culte en lieu propre à leur métier, en promenant les attributs et les outils professionnels, entourant la statue (ou un reliquaire) du saint patron.
De grands progrès furent accomplis, grâce à quelques esprits éclairés. Abbon de Fleury (945-1004), moine bénédictin à l’abbaye de Fleury (à Saint-Benoît-sur-Loire), faisait autorité en matière de comput, d’astronomie et de musique. Au XIe siècle, d’autres savants s’intéressèrent au comput et le perfectionnèrent : Heriger de Lobbes, moine bénédictin à l’abbaye de Lobbes, en Belgique, puis abbé, de 990 jusqu’à sa mort en 1007, possédait un grand savoir encyclopédique et écrivit un traité de mathématiques, sur les « Cycles de Pâques ». Huchald de Saint-Amand, moine bénédictin de Saint-Amand-les-Eaux, département du Nord, computiste réputé qui préconisa l’usage du nombre d’or pour faciliter le calcul de la date de Pâques. Gerland de Besançon, écolâtre de l’école épiscopale de Besançon, puis prieur de Saint-Paul de Besançon vers 1128, figure de proue de la vie intellectuelle du comté de Bourgogne, rédigea un traité de théologie, intitulé « Candela » (= la chandelle), qui comportait de nombreuses annotations sur le comput et fut connu jusqu’à Rome.
Plus tard encore, à partir du XIIIe siècle, de nouveaux traités furent composés, parfois versifiés en latin ou en français, mais surtout simplifiés. Gens d’Église le plus souvent, ils calculaient les calendriers indispensables pour le paiement des redevances et des dettes de la vie quotidienne.