Afin de lutter contre l’insubordination de la noblesse, les rois de France, depuis le XVe siècle, ont cherché à démanteler leurs places fortes. Les siècles précédents avaient vu la France se couvrir de châteaux, plus ou moins puissants, selon l’importance relative de leurs propriétaires. Certains châteaux, juchés sur un piton rocheux ou un promontoire, étaient inexpugnables. D’autres, situés en plaine, étaient ceints de puissantes murailles, capables de résister aux assauts.

Au XVIe siècle, l’artillerie royale, devenue plus performante, fut en mesure d’abattre les remparts les plus épais, la résistance devint plus difficile et l’insoumission des vassaux plus délicate. Le roi régnait enfin en maître. Cependant, le royaume était encore couvert de centaines de forteresses, plus ou moins importantes et plus ou moins vastes. Beaucoup étaient encore en mesure d’abriter des garnisons et quelques seigneurs pouvaient encore entretenir une petite armée. La capacité de nuisance de certains était susceptible d’inquiéter le roi, qui songeait, depuis des années, à les anéantir.

Le roi Louis XIII a sans doute souvent pensé, peut-être à la suggestion de son ministre, le cardinal Armand du Plessis, duc de Richelieu, à  diminuer la puissance des nobles. Il y avait des précédents : en 1599, alors qu’il combattait pour conquérir son royaume, Henri IV avait ordonné la démolition du château et l’abaissement d’une hauteur de 7 toises (environ 13 mètres) des remparts de la forteresse bourguignonne de Montréal, près d’Avallon (Yonne). Vaincu par les troupes royales, le propriétaire dût s’exécuter. C’était un cas isolé et Louis XIII savait que son armée n’était pas en mesure d’exiger l’obéissance de tous.

En juillet 1626 il profita de la tenue à Nantes des États annuels de la province de Bretagne (qu’il ouvrit en personne le 21 juillet) et fit voter, le 31 juillet, un vœu proposant la destruction des places fortes du royaume, à l’exception de celles situées aux frontières. Mais il n’était alors guère en état de faire appliquer cette décision.  Il dut attendre trois ans. Au cours de l’été 1626, Louis XIII promulgua un édit ordonnant l’arasement des châteaux et places fortes appartenant aux nobles qui resta lettre morte : le roi était alors incapable de le faire exécuter dans l’ensemble du royaume, ses armées n’ayant pas encore la puissance nécessaire.

Trois ans plus tard, les conditions étaient toutes autres : le roi venait de triompher (en 1628) des Protestants à La Rochelle, après un siège de près d’un an et ses troupes avaient montré leur maîtrise dans l’art de vaincre des ennemis protégés par de solides murailles. En 1629, l’armée royale fit mieux encore : elle enleva la forteresse d’Alès après un siège de neuf jours seulement. En effet, profitant d’un voyage en Languedoc (dernière opération militaire de Louis XIII contre les Protestants) pour lutter contre les Huguenots réfugiés dans les montagnes cévenoles, il donna à Alès un édit dans lequel il renouvelait ses ordres sur l’arasement des places fortes dans tout le royaume. Il ne faut pas confondre cette ordonnance, datée du 21 juin 1629, avec la Paix d’Alès, signée une semaine plus tard, le  28 juin 1629, quelques jours après la capitulation des Réformés et la prise de la ville, survenue le dimanche 17 juin. Ce jour-là, Louis XIII fit son entrée en grande pompe, à la tête de ses troupes et accompagné du  cardinal de Richelieu en habits militaires. Ce second texte est connu sous le nom « d’édit de grâce d’Alès », qui accordait aux Protestants le droit de célébrer leur culte sous certaines conditions et dans un certain nombre de villes.

L’ordonnance qui prononçait l’obligation de raser les murailles est donc intervenue quatre jours après la capitulation des Réformés du Languedoc. Le roi et son ministre étaient alors au faîte de leur puissance. Toute résistance était désormais vouée à l’échec, tant les armées royales avaient acquis, par leur nombre, leur discipline et leur armement une redoutable efficacité.

Après quelques retentissantes victoires, Louis XIII s’estimait en mesure de faire appliquer enfin son désir, exprimé trois ans auparavant, d’araser les courtines trop imposantes et de reléguer l’ensemble de la noblesse, ses vassaux et vavassaux, dans des résidences d’agrément et non plus des postes de combat capables de devenir autant de poches de résistance.

Il s’agit du premier texte législatif (peut-être en Europe), entièrement consacré aux châteaux et places fortes premier à être réellement appliqué. Le roi disposait désormais d’une armée en état de montrer partout sa puissance.

Si certains rechignèrent à appliquer une décision qui mettait fin à leur puissance locale, il faut bien avouer que quelques-uns s’en félicitèrent. En effet, l’habitat dans des demeures vieilles, certaines, de plusieurs siècles, aux murs épais de quelques mètres, peu éclairées, mal chauffées et encore plus mal isolées, ne présentait pas que des avantages. Beaucoup de nobles, soucieux de préserver leur prestige d’antan, s’efforçaient de faire bonne figure en acceptant de résider, avec leur famille et leur domesticité, dans de telles forteresses. D’autres, au contraire, furent ravis du prétexte fourni par le roi pour faire construire des demeures plus agréables et plus conformes à la mode du temps.