Tubercule particulièrement nourrissant et se contentant de terres relativement pauvres pour sa culture, la pomme de terre constitue l’un des apports essentiels du Nouveau Monde dans l’alimentation mondiale, dès son implantation en Europe.
Découverte par les Conquistadors espagnols, en 1532, ce tubercule comestible, produit par une plante herbacée vivace de la famille des solanacées, se reproduit sous la surface du sol ; on doit donc le déterrer pour le récolter. Les archéologues pensent qu’il était utilisé (et consommé) depuis environ 8 000 ans, dans la Cordillère des Andes (actuel Pérou). Les Conquistadors constatèrent, à leur arrivée sur les lieux, que le manioc et la pomme de terre constituaient l’essentiel de l’alimentation des Incas.
Dès 1534, des galions en rapportèrent dans les ports espagnols (Cadix, La Corogne, Santander, même Barcelone…) pour l’introduire en Europe.
- 1585 : introduction en Angleterre,
- 1588 : arrivée en Autriche,
- 1620 : introduction en Belgique.
Au cours des dernières années du XVIe siècle et au XVIIe siècle, la culture de la pomme de terre se répandit dans toute l’Europe (notamment dans les états du Saint empire romain germanique, où elle devint l’aliment de base).
En France, l’implantation de la culture de la pomme de terre ne se fit pas sans difficultés. Par ignorance de la préparation nécessaire à sa consommation, les premiers dégustateurs tombèrent malades et certains même moururent : sa grande teneur en amidon la rend dangereuse pour les humains si elle est consommée crue. Par conséquent, les Français refusaient sa consommation, au XVIIIe siècle encore.
Il fallut attendre Antoine Parmentier (1737-1813), pour que les choses changent. Né à Montdidier (Somme), il fit des études de pharmacie et fut engagé, en 1757 (à l’âge de 20 ans) comme aide-apothicaire des Armées, à l’Hôpital des Invalides, à Paris. Pharmacien militaire, il était également agronome, nutritionniste et hygiéniste. La Guerre de Sept Ans (qui opposa, de 1756 à 1763, l’Angleterre à la France et leurs alliés respectifs) le mena à Hanovre (Basse-Saxe), où il découvrit la pomme de terre et quelques-unes de ses utilisations.
Rentré en France, il s’intéressa à ce tubercule et à ses particularités. Assez vite, il inventa un procédé pour en extraire l’amidon et se lança dans une campagne de promotion de la pomme de terre. En 1778, il fit servir un dîner aux officiers des Invalides, dans lequel les pommes de terre étaient accommodées de nombreuses façons différentes. Tout le monde fut conquis. En 1786, le roi Louis XVI (1774-1793), pour le soutenir, arbora une fleur de pomme de terre à sa boutonnière et la reine Marie-Antoinette porta une fleur sur son chapeau.
Ainsi, trois ans avant la Révolution, les esprits éclairés avaient compris que la pomme de terre, par sa facilité de culture et son fort pouvoir nourrissant, pouvait être une solution aux problèmes de pénurie alimentaire que le royaume connaissait depuis quelques années. Malheureusement, les événements se précipitèrent et le gouvernement n’eut pas le temps de mettre en œuvre sa politique d’encouragement à cette nouvelle culture.
Au XIXe siècle, les autorités s’efforcèrent, par tous les moyens, d’encourager sa culture ; les Conseils généraux votèrent des subventions aux agriculteurs désireux d’en semer, on organisa des concours agricoles, des prix… et la pomme de terre devint, dans toute la France, comme dans de nombreux pays européens, un aliment essentiel, bon marché et apprécié sous diverses formes. Dans certaines régions (comme la Bretagne, le Limousin, la Picardie) elle est devenue le légume principal, bien avant les traditionnels, au point que certains plats à base de pomme de terre sont considérés comme plats emblématiques régionaux.
Aliment essentiel pour lutter contre les famines, la pomme de terre peut aussi être à la merci de maladie (phytophthora = le mildiou des pommes de terre). La maladie frappa les cultures en Irlande, à partir de 1845 (et jusqu’en 1852). Faute de pouvoir s’alimenter, car ils avaient fait de cette culture une monoculture et n’avaient rien d’autre, des millions d’Irlandais durent s’expatrier (le plus souvent en Amérique du Nord) pour ne pas mourir et l’Irlande perdit un tiers de ses habitants (morts de faim ou expatriés).
Cultivée désormais presque partout dans le monde (quelle que soit la latitude), la pomme de terre sert à l’alimentation humaine (il existe des centaines de façon de la préparer, les plus connues étant : frites, purée, à vapeur ou à l’eau), à l’alimentation animale, mais aussi d’élément de base à diverses productions industrielles. Distillée, on en obtient de la vodka ou de l’aquavit, on en tire de la fécule ; les industriels fabriquent de grandes quantités de chips, etc.
La pomme de terre est désormais un aliment universel, cultivé dans plus de 150 pays, consommé partout et qui fait l’objet d’innombrables recettes de cuisine. Elle fait partie intégrante de la gastronomie.