La déformation des mots entre diverses langues

Au Moyen Âge, l’enseignement des langues étrangères était inexistant. Quelques rares personnes, ayant vécu quelque temps dans un pays lointain, étaient capables de servir d’interprètes. Mais l’immense majorité de la population restait incapable de prononcer correctement des mots d’une langue étrangère. Par conséquent, la plupart de ces mots, mal entendus, mal analysés phonétiquement, donc mal compris étaient déformés lorsque utilisés dans le langage courant. Quelques-unes sont restés notoires :

En entendant les soldats anglais proférer des jurons, lors de la Guerre de Cent Ans, les Français les surnommèrent « godons » (déformation de God damned, souvent exprimé dans de nombreuses situations par les Britanniques) et ce surnom resta pendant des siècles.

Au XIIe siècle, éclata une rivalité entre deux grandes familles du Saint Empire romain germanique : les Welfen, issus des ducs de Saxe, et les Weiblingen, ou Hohenstaufen, originaires d’Alsace, qui régnèrent pendant des décennies. Incapables de prononcer le « W » (lettre qui fit son apparition dans l’alphabet français à cette époque), les Français transformèrent ces mots en Guelfes et Gibelins. On parlait alors de la lutte entre les Guelfes (partisans du pape) et les Gibelins (partisans de l’empereur), lutte qui dura des siècles et qui eut des répercussions jusqu’au XVIIe siècle en Allemagne.

De même, les Allemands (Deutsch, dans leur langue, Tedesci, en italien) furent appelés « Teutons » par les Français. Ce phénomène de déformation des appellations populaires perdura jusqu’au XXe siècle : pendant les deux guerres mondiales, nos adversaires allemands furent affublés de toutes sortes de surnoms (comme les « doriphores »), mais on les appelait principalement les « Boches ».

Les déformations lexicales entre langues sont nombreuses. On peut citer le mot « bougette », qui désignait, en France au Moyen Âge, une petite bourse, portée à la ceinture et qui bougeait sous le poids des piécettes qu’elle contenait. Le mot passa en Angleterre, puis revint en France sous la forme « budget », qui désigne alors les prévisions d’un comptable qui doit estimer ses dépenses pour l’année à venir.

Autres exemples, la cravate, accessoire vestimentaire emprunté aux Croates, ou le vasistas, mot prononcé par des soldats autrichiens découvrant des fenêtres de toit, lors de l’occupation de Paris, en 1815.