Le calendrier révolutionnaire français

Dès les premiers mois de la Révolution française, certains avaient ressenti le besoin de substituer un nouveau calendrier à celui qui était en usage depuis plus d’un millénaire. L’Assemblée Constituante décréta, le 2 janvier 1792, que tous les actes publics, civils et judiciaires seraient désormais datés de « l’ère de la Liberté » et que le 1er janvier 1792 était la date retenue pour le début de l’an IV de cette nouvelle ère (donc l’an I avait commencé le 1er janvier 1789, soit plus de six mois avant les premiers événements révolutionnaires).

Après la chute de la monarchie, le 10 août 1792, on décréta une nouvelle appellation, « l’ère de l’Égalité », puisque il n’y avait plus de roi et que tous les citoyens étaient (théoriquement) égaux. Le Comité d’instruction publique chargea une commission d’étudier le problème.

Sous la présidence du député du Puy-de-Dôme Charles-Gilbert Romme (1756-1795), mathématicien de renom, cette commission fut composée des plus grands savants de l’époque, huit brillants esprits au total, dont Joseph-Louis Lagrange (1736-1813), mathématicien d’une grande renommée en mécanique céleste, et Gaspard Monge (1746-1818), mathématicien, qui se mirent aussitôt au travail En quelques semaines, l’œuvre d’élaboration d’un nouveau système, plus scientifique et plus rigoureux, fut achevée.

Le 20 septembre 1792, la Convention examina le rapport de Romme, et décida de mettre fin à l’usage du calendrier grégorien. Le 5 octobre 1792 elle proclama une nouvelle ère « de la République ». La coïncidence de la proclamation de la République et de l’équinoxe d’automne, le 22 septembre 1792, fut prise comme point de départ de la nouvelle ère.

Le nouveau calendrier reposait sur un nouveau mode de mesure du temps et un nouveau mode de référence culturel. L’année républicaine était basée sur l’année solaire : douze mois de trente jours (par souci d’égalité entre les mois) auxquels on ajoutait cinq jours après le mois de Fructidor. Pour corriger le décalage avec l’année tropique, on décida l’intercalation, tous les 4 ans, d’un « jour de la Révolution », pour lequel des jeux nationaux devaient être célébrés.

Les jours étaient répartis en trois décades (1re, 2e et 3e, toujours par souci d’égalité et pour utiliser le tout nouveau système décimal) et désignés par leur ordre numérique, car il fallait effacer toute référence à la ci-devant religion : primidi, duodi, etc.

Le point de départ choisi fut la bataille de Valmy, le 20 septembre 1792.  jour où les troupes des généraux Dumouriez et Kellermann défirent les Prussiens du duc de Brunswick. Le lendemain, 21 septembre, on pouvait dire que « le peuple avait chassé les tyrans et que l’on était rentré dans l’ère de la Liberté ». La date étant déjà largement dépassée, il s’agissait d’une commémoration rétrospective : il n’y aurait pas d’an I de la nouvelle ère et le calendrier commencerait tout de suite par l’An II de la République.

La dénomination des mois donna lieu à des débats passionnés ;  le projet soutenu par un poète, Philippe Fabre, dit Fabre d’Églantine (1750-1794), l’emporta. Les mois faisaient référence au climat (comme brumaire, frimaire, nivôse, pluviôse, ventôse, ou thermidor), aux cycles de la nature (germinal, floréal ou fructidor) et aux travaux agricoles (vendémiaire, prairial, messidor).

Subtil mélange de rationalité (structure rigoureusement décimale, adéquation avec le mouvement apparent du soleil et les saisons), issu d’un esprit logique de mathématicien, de poésie et de recherche dans le choix des appellations des mois et des jours. Ces noms sont les suivants :

Mois d’automne : Vendémiaire Brumaire Frimaire
Mois d’hiver : Nivôse Pluviôse Ventôse
Mois de printemps : Germinal Floréal Prairial
Mois d’été : Messidor Thermidor Fructidor

Il en fut de même pour les noms des jours, desquels toute référence au calendrier ecclésiastique devait être bannie : on choisit des noms de fruits et légumes (raisin, chou, navet, etc.) d’outils (faucille, arrosoir) ou bâtiments divers (écluse, moulin) voire de métaux (plomb, étain, etc.). Les 5 ou 6 jours supplémentaires, dénommés dans un premier temps « jours complémentaires », furent par la suite (décret du 4 frimaire de l’an II) appelés « sansculottides ». Ils étaient consacrés aux vertus révolutionnaires :

Jour de la vertu (17 septembre)
Jour du génie (18 septembre)
Jour du travail (19 septembre)
Jour  de l’opinion (20 septembre)
Jour des récompenses (21 septembre)

et,  éventuellement, lors des années bissextiles : Jour de la Révolution.

Le système décimal fut également appliqué à la division du jour en 10 heures et celle de l’heure en 100 minutes, chacune de 100 secondes. La semaine, qui impliquait des références au chiffre sacré de 7 depuis l’Antiquité, fut remplacée par la « décade », groupe de 10 jours, fort commode puisqu’il y en avait juste 3 tous les mois sans exception, qui aurait trop rappelé les privilèges de l’Ancien Régime, furent strictement prohibées.