La construction des noms propres

Au XIIe siècle, de grands bouleversements se produisirent. Une indéniable prospérité entraîna une expansion démographique. Cette forte augmentation de la population eut pour conséquence d’entraîner la nécessité de préciser la désignation des individus les uns par rapport aux autres.

En effet, il y avait des milliers de Henri, de Guillaume, de Robert, etc., et il devenait de plus en plus difficile de les distinguer. Pour ce faire, on prit l’habitude, peu à peu, de donner à chaque être humain, homme ou femme, un « nom de famille » en sus du prénom chrétien usuel, reçu lors du baptême. Ce nom de famille (nous dirions de nos jours « patronyme ») devint alors fixe et surtout héréditaire.

Aux particularités physiques donnant lieu aux sobriquets les plus divers, on ajouta également assez vite des noms de métier. Les professions médiévales étant assez variées, les possibilités étaient nombreuses. Puis ce furent des noms d’origine géographique, des noms de pays, de régions, de villes ou de villages d’où étaient issus les individus concernés. Un peu à la mode germanique, on utilisa également des noms d’oiseaux ou de végétaux. Enfin, quelques noms d’être humains furent formés d’éléments divers, comme des actions particulières (exemple : Plantegenêt, issu du surnom de Geoffroi V le Bel, dit aussi Geoffroi Plantegenêt, né en 1113, comte d’Anjou de 1129 à sa mort, survenue en 1151, qui avait ordonné à ses serfs de complanter ses terres avec des genêts, afin de les amender, ce qui autoriserait, par la suite, l’ensemencement de plantes plus nourrissantes) ou encore des situations extrêmement variées.

Ces cinq grandes catégories de noms de famille se répartissent à peu près ainsi, selon les statistiques réalisées par les organismes spécialisés :

sobriquets (particularités physiques ou traits de caractère) 20 %
noms de métiers 20 %
origine géographique 20 %
noms d’animaux et de végétaux 10 %
noms divers 30 %

Les sobriquets portent sur le physique ou le caractère des individus. Pour ce qui concerne les noms de métier, la variété est grande. Pour leur part, les noms d’origine géographique sont également très variés (villes, villages, régions, montagnes, pays). Les noms d’animaux (ou de plantes) sont un peu moins représentés. Quant aux noms divers, ils sont légion : des dates (mois) et toutes sortes de noms divers et variés.

Le roi de France François Ier (1515-1547) promulgua, en août 1539, de son château de Villers-Cotterets, une ordonnance qui ordonnait que la langue française soit désormais la langue officielle de tous les actes administratifs et confiait la tenue de registres destinés à recevoir les actes de baptêmes aux prêtres catholiques de son royaume. Plus tard, les mariages et les sépultures furent enregistrés à leur tour.

Au XVIIe siècle, lors de l’embarquement pour les colonies ou pour s’enrôler dans l’armée, les « volontaires » prenaient des noms d’emprunt (peut-être pour rester incognito et préserver ainsi l’honneur de leur famille). On trouve, notamment au Québec où ils furent nombreux à s’expatrier, des Lafleur, Latulipe, Laviolette, Larose, Lavictoire…

Dans de nombreuses langues, les noms sont construits à partir du nom du père, suivi – ou précédé – d’un préfixe ou d’un suffixe. Ainsi :

anglais …Fitz (Fitzgerald, Fitzpatrick,…)
arabe … Ibn, Abd (Abdallah, Ibn Seoud…)
écossais …Mac (Mac Donald, Mac Gregor…)
irlandais …O’ (O’Malley, O’Hara…)
juif (hébreu) …Ben (Ben Gourion, Benjamen…)

les langues scandinaves utilisent un suffixe après le nom du père :

suédois …son (Ericson, Johanson…)
danois/norvégien …sen (Andersen, Larsen, Pedersen…)

En France, le Code civil (dit aussi « Code Napoléon »), publié en 1804, fixa les noms de famille (patronymes) en leur donnant une forme fixe et invariable (du moins en théorie) et les fit propriété inaliénable des individus.

Cependant, au cours du XIXe siècle, de nombreux secrétaires de mairie et greffiers d’administration, parfois ignorants des langues locales, voire des lois de la phonétique et de la linguistique, commirent de nombreuses fautes de copie et déformèrent un grand nombre de noms de famille, les rendant souvent incompréhensibles, leur signification initiale ayant été perdue.

Au XXe siècle, la mécanisation de l’écriture, puis l’informatisation réduisirent sensiblement le nombre de ces fautes et modifications de patronymes, sans toutefois les faire complètement disparaître. La distraction de certains commis d’écriture, des erreurs de manipulation et bien d’autres causes font que les noms de famille continuent à évoluer, parfois de manière curieuse, ce qui aboutit quelquefois à des résultats surprenants.