Normalement, les jeunes nobles de sexe masculin étaient destinés au métier des armes, ce qui était le propre de leur condition sociale. Alors, très tôt également, leurs maîtres les initiaient à cette profession, en leur enseignant tout ce qu’un militaire digne de ce nom devait savoir. L’apprentissage commençait par des lectures appropriées : les vieux ouvrages de Végèce et Frontin, étaient toujours appréciés aux XVIe et XVIIe siècles, même si d’autres traités, mieux adaptés à l’évolution de l’art militaire, étaient apparus et considérés comme plus modernes. En effet, nul ne saurait oublier que Sextus Julius Frontinus, que l’on nommait Frontin en France au Moyen Age, avait écrit au premier siècle de notre ère un traité d’art militaire, intitulé « Strategematicon liberi tres » (« trois livres de stratégie ») en usage pendant plus de quinze siècles. Cet ingénieur civil et militaire romain n’avait pas été le seul à se pencher sur ces problèmes, puisqu’un autre, nommé Flavius Vegetius Renatus, autrement dit Végèce, avait rédigé le principal ouvrage en la matière sous le titre « Epitoma rei militaris » (ou « Traité de l’art militaire ») que tous les stratèges d’Europe utilisèrent au Moyen Age. Végèce, qui vivait à Constantinople auprès de l’empereur Théodose 1er le Grand, au tournant des IVe et Ve siècles, était considéré comme le fondateur de l’art de la guerre et la connaissance de ses œuvres, de sa pensée et de ses conseils pour mener une armée en campagne était presque obligatoire pour tout jeune noble apprenti dans le métier des armes, jusqu’au XVIIIe siècle.

A partir de la Renaissance et du développement de l’usage des armes à feu, d’autres traités apparurent, dont l’étude attentive était recommandée aux jeunes nobles pour se perfectionner. C’est ainsi que l’étude de la pensée et des idées novatrices de quelques théoriciens militaires, tels Paul-Gédéon Joly de Maizeroy, Jacques-Antoine de Guibert, voire, en ce qui concerne la poliorcétique, Sébastien Le Prestre de Vauban, était jugée fort utile pour l’initiation des jeunes nobles aux métiers militaires.

Mais ce que l’on affectionnait surtout, c’était la connaissance des œuvres majeures de l’Antiquité en ce domaine : on se délectait de la lecture des grecs Onosandre et Polybe, d’Enée de Symphale, dit « Enée le Tacticien », des stratèges de Thèbes Epaminondas et Pélopidas, des récits historiques portant sur des exploits guerriers de Xénophon, Hérodote et Thucydide, mais également des romains Scipion l’Africain et Jules César (son nom romain était en latin Caius Julius Caesar), dont la « Guerre des Gaules » constituait également un excellent document pour l’apprentissage du latin.

Les hauts faits d’armes du roi d’Angleterre Édouard III (1327-1377), qui avait déclenché la Guerre de Cent Ans, passionnaient les jeunes apprentis militaires, tout comme les récits de Nicolas Machiavel (1469-1527), qui publia en 1521 un traité intitulé « l’Art de la Guerre », moins connu que son œuvre principale (« le Prince ») ou ceux de l’empereur byzantin Léon Ier le Philosophe (qui régna sur Constantinople de 457 à 474). L’art militaire arabe n’était pas délaissé, puisqu’on étudiait Khalid Ibn Al Walid et ses réflexions sur la tactique et la stratégie des conquérants musulmans.

On n’hésitait pas à prendre en considération les techniques militaires de pays exotiques : en 1772, le Père jésuite Joseph Amiot publia une traduction en français du plus ancien traité au monde, rédigé par un général chinois du nom de Sun-Tzu, qu’il intitula « Les treize articles » et qui connut un retentissement considérable dans les écoles militaires occidentales.

Après avoir pris connaissance de tous ces ouvrages, le jeune noble se sentait prêt pour entamer une brillante carrière militaire, fort du savoir théorique des Anciens. Il pouvait suivre les cours d’une école militaire (au nombre de 12 dans le royaume de France), afin d’y perfectionner ses connaissances.

Ces écoles se trouvaient dans diverses régions :

Paris (avec une succursale à Brienne, en Bourgogne, ouverte en 1776)
Auxerre (en Bourgogne)
Beaumont-en-Auge (en Normandie)
Dôle (en Franche-Comté)
Effiat (en Auvergne, actuel Puy-de-Dôme)
Pont-à-Mousson (en Lorraine, actuelle Meurthe-et-Moselle)
Pont-le-Roy (dans le comté de Blois, actuel Loir-et-Cher)
Rebais (en Brie, actuelle Seine-et-Marne)
Sorrèze (en Languedoc, actuel département du Gard)
Tiron (Thiron-Gardais, actuel Eure-et-Loir)
Tournon (en Vivarais, actuelle Ardèche)
Vendôme (dans le comté de Blois, actuel Loir-et-Cher)
ou encore
Mézières (dans les Ardennes, spécialisée pour le génie)
Metz (en Lorraine, spécialisée pour l’artillerie et le génie)
Strasbourg (en Alsace, école de santé militaire)

A l’issue de sa scolarité, il ne lui restait plus qu’à intégrer un régiment ou à partir dans une des écoles militaires, fort nombreuses alors dans le royaume de France, d’où il sortirait officier, pour servir dans les armées de Sa Majesté.