Pendant des siècles, l’alimentation des habitants des zones rurales n’a guère changé. L’ordinaire quotidien était constitué d’une soupe épaisse et consistante (à la différence du potage, plus liquide et plus léger), faite de légumes courants (choux, navets, carottes, poireaux) issus du potager jouxtant la ferme, quelquefois de potiron ou de citrouille, selon les saisons. Elle mijote pendant des heures dans un énorme chaudron suspendu à une crémaillère dans l’âtre. Souvent le pain rassis, trempé dans cette soupe, sert à l’épaissir.
L’aliment de base était le pain de diverses farines, le froment, céréale riche, n’étant abondant que dans quelques régions comme la Beauce ou l’Artois. Le plus souvent il s’agissait d’épeautre, au pouvoir nutritif bien moindre. Mais on mangeait aussi des pains de seigle. Le pain était cuit dans le four banal et faisait ainsi l’objet d’une redevance au seigneur local.
On cultivait également dans le potager d’autres plantes alimentaires, telles les pois, les fèves et les haricots, ainsi que d’autres légumes, quelque peu tombés en désuétude de nos jours (mais qui reviennent à la mode sur nos tables) : bettes, cardons, panais. Le potager fournissait de nombreuses salades, de même que des condiments indispensables comme l’ail, l’oignon, l’échalote ou encore le fenouil. D’autres herbes ou feuilles d’arbuste permettaient d’agrémenter le repas : thym, laurier, cerfeuil, etc. Les radis et les melons (dans certaines régions) complétaient la palette.
Le verger fournissait de nombreux fruits : pommes et poires dans les régions septentrionales, ainsi que quelques prunes, mirabelles et cerises, tandis que dans le Midi de la France l’olivier dominait les autres productions. Mais les agrumes furent introduits vers la fin du Moyen Âge et l’on cultivait également les pêches, abricots et autres figues.
D’autres arbres fournissaient des fruits en abondance, tels que noix, noisettes, noix de jujube, amandes, mais aussi coings ou encore nèfles. Les habitants des régions productrices les consommaient en grande quantité et cet apport alimentaire enrichissait grandement les menus quotidiens de soupe de légumes et de pain.
Pour ceux qui possédaient un petit troupeau de bovins, ils trouvaient un apport essentiel dans les produits laitiers ; ils buvaient le lait et consommaient la crème, mais barattaient aussi le beurre et confectionnaient des fromages (qui se sont beaucoup diversifiés en France, à partir du XIe siècle). Certaines régions produisaient des fromages au lait de chèvre ou de brebis.
L’alimentation carnée (rare, mais existante) était constituée par quelques lièvres capturés dans les alentours, les volailles de la basse-cour (qui fournissait également des œufs) et la viande du porc (nourri des détritus et des épluchures de légumes) qui, abattu en décembre, était transformé en saucisses, jambons, pâtés, rillettes, saucissons, boudins, etc. Cette charcuterie était suffisante pour nourrir la famille pendant plusieurs mois. La chasse au gros gibier (sangliers, cervidés) était, jusqu’à la Révolution, réservée au seigneur, mais celui-ci, parfois laissait à ses rabatteurs quelques bas morceaux. C’était alors le festin dans les chaumières.
Les poissons de la rivière ou de l’étang voisin étaient fréquemment accommodés. De nombreux testes témoignent de l’importance de la place du poisson dans la nourriture au Moyen Âge. La pêche en mer nourrissait les populations des régions côtières et les surplus faisaient l’objet d’un important commerce.
Dans certaines régions comme le Vivarais (Ardèche actuelle) et le Gévaudan (Lozère) où les châtaigniers abondent, les habitants mangeaient beaucoup de châtaignes soit sous forme de bouillie, soit sous forme de farine (le fameux « pain de bois »).
Venue d’Amérique, la pomme de terre fut introduite en France au XVIIIe siècle. Elle connut des débuts difficiles et personne ne voulait la consommer. Le pharmacien militaire Antoine Parmentier (1737-1813) la fit admettre sur les tables du roi Louis XV (1715-1774). En Basse-Bretagne, ce furent des esprits éclairés, François-Jérôme Le Déan (1747-1823) en Cornouaille et Monseigneur Jean-François de la Marche (évêque de Léon de 1772 à 1791, surnommé « an Aotrou eskop patatou » = Monseigneur patates) en Léon qui encouragèrent sa culture et sa consommation. Vivement encouragée par les pouvoirs publics à partir du début du XIXe siècle, la culture de la pomme de terre, qui se satisfait de terres pauvres, provoqua une révolution dans le régime alimentaire de biens des régions (Bretagne, Nord de la France, mais surtout Irlande et Allemagne).
Les pratiques religieuses imposèrent pendant des siècles de faire maigre chaque vendredi et pendant tout le temps du carême. Chaque région s’adapta, en fonction des ressources locales, pour confectionner ces jours-là des repas compatibles avec les préceptes de l’Église : en Bretagne, on mangeait alors des crêpes et galettes, faites de farine de froment ou de sarrasin.