La Quévaise était un type particulier de bail à domaine congéable propre à certains domaines ecclésiastiques de la région des Monts d’Arrée, en Basse-Bretagne. C’était aussi une pratique successorale qui avait été mise en place pour faciliter les défrichements, donc la mise en valeur agricole et le peuplement. On peut raisonnablement dater l’instauration de la quévaise au XIIe siècle, époque des grands défrichements (appelés « essarts » en France, « horst » en Angleterre, « Büttel » en Allemagne) et d’un grand essor démographique. L’abbaye cistercienne du Relec, en Plounéour-Ménez (Finistère), propriétaire de nombreuses quévaises, a été fondée en 1132. En breton moyen (en usage au Moyen Âge), quévaise se disait quemaès ; en breton moderne, on dit Kevaez. Les seigneurs ecclésiastiques propriétaires des terres étaient essentiellement les commanderies hospitalières (La Feuillée, initialement templière puis passée aux Hospitaliers en 1310, Le Paraclet, Loc’h-Maël, Plelo, Le Croisty et Runan) et les grandes abbayes de la région. Les quévaises étaient regroupées en « membres » (les « membres » de l’abbaye du Relec comprenaient 194 quévaises, réparties sur Plounéour-Ménez, Commana, Plourin, Plougonven et Le Cloitre).

Le quevaisier ne peut aliéner ni vendre le bien sans la permission du seigneur propriétaire et, dans ce cas, doit payer un droit de mutation très lourd (entre ¼ et la ½ du prix de vente). En cas de succession directe, c’est l’enfant le plus jeune qui reprend le bien, mais doit payer à ses frères et sœurs leurs parts d’héritage. Si le quevaisier meurt sans héritier direct, la terre revient au seigneur propriétaire, qui peut la concéder à qui lui semble bon. Sur les quévaises, le champart est élevé: de 1/7 à ¼ de la récolte, au lieu du 1/12 dans les autres tenures. Généralement, le quevaisier devait cultiver chaque année au moins la moitié des « terres chaudes » (les bonnes terres, fumées et amendées, cultivées principalement en céréales – avoine, seigle, orge, peu de froment – en blé noir, navets et fèves. Les « terres froides », appelées « gaigneries », couvertes de landes ou ensemencées en ajoncs, étaient cultivées de temps à autre après écobuage et défrichement à la marre (sorte de bêche), puis ensemencées de seigle et soumises à un champart (3 gerbes sur 20). Le quevaisier versait aussi une petite redevance pour le droit de pâturage et d’occupation des landes et fournissait quelques « gélines » (volailles) au seigneur.

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Laurent (Jeanne). – Un monde rural en Bretagne au XVe siècle : la quévaise. – Paris, S.E.V.P.E.N., 1972. – In-8o, 440 p., ill. [École Pratique des Hautes Études, VIe section. Collection « La Terre et les hommes », XIV] Acheter le livre