Principal dérivé du travail de la laine, le drap a connu, au Moyen Âge, une importance considérable. La draperie et tous les métiers qui en découlent ont constitué, jusqu’au XIXe siècle, une des activités artisanales, puis industrielles, des plus importantes dans toute l’Europe occidentale.

Corporation puissante dès le XIIe siècle, la draperie a constitué une activité économique essentielle dans certaines régions, notamment le Nord de la France et la Belgique actuelle. La laine, produite en grande quantité en Angleterre (où les moines cisterciens, notamment, élevaient d’immenses troupeaux de moutons) était importée jusque dans les Flandres (comté de Flandre, mouvant du royaume de France et comté de Hainaut, mouvant du Saint Empire romain germanique) où elle était travaillée, puis transformée en draps. Ces draps, une fois teints de rouge ou de bleu (les couleurs étaient alors encore peu nombreuses) étaient transportés jusque dans les grandes villes de foire (en Champagne, à Troyes, Provins, Lagny et Bar-sur-Aube, mais aussi en Allemagne, à Francfort, à Cologne ou à Nuremberg) pour y être vendus à des marchands venus de toute l’Europe.

La corporation des drapiers (ou vendeurs de draps) était présente dans toutes les villes. Dans la capitale, on comptait plus de 200 marchands drapiers inscrits sur les rôles d’imposition (notamment le Rôle de la Taille de 1315). La corporation, qui était placée sous le patronage d’un saint italien, Saint Homebon (né vers 1340 et mort le 13 novembre 1197, à Crémone, sa ville natale où il exerça toute sa vie le métier de drapier), fêtait solennellement son saint patron chaque 13 novembre.

Les draps étaient vendus à la longueur : l’étalon de commercialisation était l’aune, variable selon les régions et même selon les villes. Les tailleurs d’habits faisaient l’acquisition d’une « aune de drap » pour confectionner les vêtements commandés par leurs clients. Le mot aune n’est nullement d’origine latine. Il s’agit d’un emprunt à une langue germanique, en l’occurrence le vieux francique, qui comptait en alina. D’autres termes germaniques s’en rapprochent, tels le gothique aleina, ou l’anglo-saxon. Il apparaît pour la première fois en langue d’oil dans la Chanson de Roland, écrite vers 1100. L’aune était donnée pour 4 pieds (1,18 m) ; pour vendre le drap, on la divisait par 16. Un édit royal de François Ier (1515-1547), daté de 1540, imposa l’Aune du Roy, valant 3 pieds, 7 pouces et 8 lignes (= 118,84 cm). L’aune fut officiellement supprimée, en France, en 1840.