Héritiers des galères royales de l’Ancien régime, les établissements pénitentiaires de travaux forcés étaient appelés « bagnes ». Ce mot vient de l’italien bagno qui désignait une prison à Livourne, en Ligurie, qui avait été construite à l’emplacement d’anciens thermes romains.
Comme ces prisons succédaient, de fait, aux galères, ce fut dans les ports de la Marine royale qu’ils furent institués :
Toulon : ouvert en 1748, fermé en 1873 ; fut longtemps le plus grand de France ; ses détenus ont été transférés à Cayenne.
Brest : ouvert en 1749, puis fermé en 1858.
Rochefort : ouvert en 1766, fermé en 1852.
Un décret de 1852 créa des bagnes dans les territoires de l’empire colonial français, alors en cours de constitution. La Loi dite « de transportation » de 1854 institua la déportation aux colonies des condamnés à de lourdes peines. On ouvrit des bagnes à :
Cayenne : en Guyane, ouvert en 1852, fermé en 1946.
Saint-Laurent-du-Maroni : (Guyane), annexe du précédent.
Nouméa : en Nouvelle-Calédonie, ouvert en 1864, fermé en 1924
Le Code pénal (1810) prévoyait l’internement des enfants coupables de méfaits ; il y eut des bagnes d’enfants :
La Petite Roquette : à Paris, ouvert en 1836.
Mettray : centre de La Paternelle, colonie agricole et pénitentiaire, située à Mettray (Indre-et-Loire, non loin de Tours), ouvert en 1840.
De même, la Justice militaire institua des bagnes, pour incarcérer les « fortes têtes », en Afrique du Nord (plusieurs petits établissements, regroupés sous le nom de « bagne de Biribi »).
Les bagnards, appelés également « forçats », étaient souvent employés à la réalisation de grands travaux, pénibles et épuisants, car ils constituaient une main d’œuvre peu onéreuse : il suffisait de les nourrir, juste assez pour qu’ils aient la force nécessaire. C’est ainsi qu’en France, de nombreuses routes ont été construites, des tunnels creusés et de gros travaux de terrassement réalisés. En Bretagne, à titre d’exemple, ce sont des bagnards qui ont creusé la « Tranchée de Glomel » (un tronçon du Canal de Nantes à Brest). Souvent les bagnards étaient employés dans les arsenaux de la Marine.
Les conditions de vie des bagnards étaient des plus pénibles, mais l’opinion publique jugeait alors normal d’enfermer des criminels dans des cellules étroites, sans aucun confort ni guère d’hygiène (au bagne de Cayenne, certaines geôles n’avaient que des grilles pour toiture, « en raison du climat »). Pour tout le monde c’était « une juste punition ».
Entravés par des fers aux chevilles, les bagnards ne pouvaient guère se mouvoir. Le vocabulaire de ces centres pénitentiaires, hérité de la Marine de l’Ancien Régime, parle de chiourme pour désigner la longue cohorte des forçats qui, chaque jour, quittait son lieu de détention pour gagner son lieu de travail, parfois distant de plusieurs kilomètres.
Des condamnés célèbres ont été enfermés au bagne : on parle de François Vidocq, du capitaine Dreyfus ou encore de Pierre Seznec. Par contre, Jean Valjean, personnage de fiction imaginé par Victor Hugo dans son roman intitulé « Les Misérables », n’a, bien sûr, jamais été incarcéré.
La Loi du 27 mai 1885 stipula que la relégation de tout récidiviste serait automatique et se ferait sous forme d’internement perpétuel dans les territoires des colonies. C’est pourquoi les bagnes situés en France furent délaissés définitivement au profit des bagnes de Cayenne et de Nouvelle-Calédonie, d’où il était plus difficile de s’évader et même de revenir. Après avoir accompli leur peine, les condamnés restaient astreints à résidence sur place. Très peu revinrent en France.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’opinion publique avait évolué et l’on ne souhaitait plus exiler aussi loin des malfaiteurs, même les plus dangereux, et la notion de bagne disparut. Le bagne de Cayenne fut le dernier à fermer, en 1946.
Consulter :
Henwood (Philippe). – Bagnards à Brest – Rennes, Éditions Ouest-France, 1986. – in-8o, 208 p ., ill.