En élaborant un calendrier spécifique pour les Chrétiens, le moine Denys le Petit avait mis au point des instruments de calcul commodes pour établir, chaque année, le calendrier de l’année suivante, en fonction des phases de la lune et des fêtes à commémorer. Les autorités ecclésiastiques confièrent à des savants le soin d’établir le calendrier liturgique ; quelques noms nous sont parvenus.
Science de la chronologie technique, le comput permet d’élaborer à l’avance le calendrier (pour l’année en cours ou les suivantes). Il sert en particulier à déterminer la date de la fête de Pâques, essentielle pour les Chrétiens puisqu’elle commémore la résurrection du Christ. Par conséquent, le comput est utile également pour calculer les éléments du cycle de temps qui est lié à cette fête.
Le comput mis au point par Denys le Petit utilisait deux méthodes de façon concurrentielle : d’une part la détermination des dates recherchées à l’aide du seul calcul théorique et, d’autre part, l’observation des cycles auxquels reviennent les mêmes dates. Au fil des siècles, les techniques du comput firent de nets progrès : tous résultent soit de l’usage de nouveaux moyens de calcul inventés par Denys le Petit (concurrents, lettres dominicales, nombre d’or, etc.) et qui représentent de grandes avancées par rapport aux techniques utilisées par les computistes qui l’ont précédé, soit de l’adoption de nouveaux cycles.
Avant Denys, les premiers ouvrages relatifs au comput sont ceux de Victor d’Aquitaine qui rédigea, en 457, un traité intitulé « Cursus paschalis ». En 525, Denys le Petit le compléta et introduisit ses éléments de calcul (appelés au Moyen Âge « arguments » du comput). Ces deux textes constituent la base de toutes les recherches effectuées ultérieurement et le traité de Bède le Vénérable, écrit en 725, recopié maintes et maintes fois, vint les rejoindre comme outil en usage chez les computistes pendant des siècles (et encore de nos jours). Il existe même des versions simplifiées, réalisées pour adapter le texte, assez complexe, au niveau intellectuel de ses utilisateurs.
De nouveaux progrès furent accomplis, grâce à quelques esprits éclairés. Au Xe siècle, Abbon de Fleury (945-1004), moine bénédictin, étudia à l’abbaye de Fleury (à Saint-Benoît-sur-Loire), puis à Paris, Reims et Orléans, dirigea l’école monastique de Fleury en 965, avant d’en devenir abbé. Il faisait autorité en matière de comput, d’astronomie et de musique.
Hucbald de Saint-Amand (840-930), moine bénédictin à l’abbaye de Saint-Amand (Saint-Amand-les-eaux, dans le département du Nord), computiste réputé, préconisa l’usage du nombre d’or pour le calcul de la date de Pâques.
Puis, au XIe siècle, d’autres savants mathématiciens ou astronomes, s’intéressèrent au comput et cherchèrent à en perfectionner les techniques.
Heriger de Lobbes (925-1007), moine bénédictin à l’abbaye de Lobbes, en Belgique actuelle, d’abord écolâtre de l’école monastique, puis, de 990 jusqu’à sa mort, abbé de Lobbes, possédait un grand savoir encyclopédique et écrivit un traité de mathématiques, ainsi qu’un autre, sur les « Cycles de Pâques ».
Gerland de Besançon (10 ?-1148), écolâtre de l’école épiscopale de Besançon, puis prieur du tout nouveau prieuré de chanoines augustins de Saint-Paul de Besançon vers 1128. Figure de proue de la vie intellectuelle de la comté de Bourgogne, il rédigea un traité de théologie, intitulé « Candela » (= la chandelle), dans lequel il compilait l’essentiel de la doctrine et de la pensée des Pères et des Docteurs de l’Église, qui comportait de nombreuses annotations sur le comput et fut connu jusqu’à Rome.
Plus tard encore, à partir du XIIIe siècle, de nouveaux traités furent composés. Ils avaient quelques prétentions littéraires, parfois versifiés en latin ou en français, mais étaient surtout simplifiés. Leur but n’était pas de perfectionner les méthodes, mais de fournir des moyens commodes de calcul à tous ceux qui voulaient connaître la date de Pâques ou de l’Ascension pour les années à venir. Les gens d’église avaient l’obligation d’exécuter tous les calculs nécessaires et ce en temps utile, afin de donner à la population les calendriers indispensables pour le paiement des redevances, l’acquittement des dettes et toutes autres opérations courantes de la vie quotidienne.
Jean de Murs (1290-1331) écrivit plusieurs ouvrages de mathématiques et de comput, dont le « Patefit », le « Sermo de regulis compotistarum », la « Critique de 1317 » et le « Pré-rapport », la « Lettre à Clément VI » et un « Résumé », ces derniers aidé de Firmin de Belleval (128 ?-1350).
Guillaume de Saint-Cloud (vers 1230-vers 1300) établit les chiffres du mouvement de la huitième sphère dans son « Almanach planetarium » (1292), qui furent repris par Geoffroy de Meaux (13 ?-13 ?), puis Jean de Saxe.
Les computistes se devaient d’être au fait des meilleures techniques pour effectuer tous ces calculs. Pour les réaliser, il était nécessaire de faire appel à toutes sortes d’éléments, comme les tables calendaires, les épactes, les concurrents, le nombre d’or, etc.